de Philippe VI à la légende XPC REGINAT
Anthony CAMOS
Nous présentons un piéfort médiéval unique que nous avons eu la chance d’avoir
en main lors d’une vente en 2023. Il s’agit d’un piéfort en argent de la 6ème
émission de l’écu d’or à la chaise du roi de France Philippe VI (1328-1350). D’un
diamètre de 30 mm, ce rarissime objet accuse un poids de 18,94 g. Il correspond
presque exactement au poids de quatre écus à la chaise qui étaient émis à 4,532 g.
L’épaisseur est de 3,8 mm. La frappe monnaie est parfaite.
A l’avers, on observe le roi trônant dans une stalle gothique, couronné, vêtu du
haubert et de la cotte d’armes, tenant l’épée et l’écu de France aux lis sans nombre,
dans un polylobe cantonné de petits trèfles, sautoirs sur les marches de la stalle,
avec la titulature PHILIPPVS DEI GRA FRANCORVM REX, la ponctuation par
deux points pleins. Au revers apparaît une croix quadrilobée et fleuronnée, dans
un quadrilobe orné de feuilles et cantonné de trèfles sans queue avec la légende +
XPC VINCIT, XPC REGINAT (sic), XPC IMPERAT, la ponctuation étant
effectuée par doubles croisettes. Les annelets du droit sont pointés et un des trèfles
du revers en cantonnement a sa pointe tournée vers l’intérieur, ce qui renvoie a
priori à la 6ème émission du 6 mai 1349 (Dy, 249) malgré l’absence des deux
annelets accostant les deux trèfles du revers.
Le piéfort de l’écu d’or à la chaise de Philippe VI – 30 mm – Coll. part.
L’analyse au spectromètre a révélé un alliage constitué à 95% d’argent pour 5%
de cuivre. Le métal noble choisi signe une fabrication de prestige pour une
vocation pas nécessairement utilitaire. Mal documentés, les piéforts étaient
vraisemblablement des modèles envoyés aux ateliers monétaires. On pense qu’ils
étaient remis au roi et aux officiers de la Cour des monnaies1 lors d’un changement
1 M. Bompaire, Numismatique médiévale, pp. 128-129, Ed. Brépols, 2000.de type monétaire ou encore qu’ils pouvaient être distribués en récompense de
services rendus tels des pièces de plaisir2
.
La tranche du piéfort présenté – 3,8 mm
Le piéfort présenté a fait l’objet d’une étude de Yannick Jézéquel parue au
Bulletin de la S.F.N. L’auteur signale que la surprenante mention REGINAT
(au lieu de REGNAT) se retrouve sur d’autres monnaies de Philippe VI ou
de Jean le Bon et ne serait dès lors pas nécessairement une erreur mais un
signe monétaire qui aurait pu avoir pour vocation de désigner les espèces au
bon aloi frappées en tout début d’émission3. Il précise que deux piéforts de
l’écu à la chaise sont connus, l’un de la 1ère émission et un autre d’une
émission indéterminée avec le mot REGNAT. L’écu d’or à la chaise a fait
l’objet de six émissions entre 1337 et 1349, l’aloi étant successivement
abaissé de 1,000 à 0,875, le poids restant identique. Le piéfort présenté est
ainsi pour l’heure le seul exemplaire connu pour la 6ème émission avec, qui
plus est, une variante sans annelets.
Philippe VI – Ecu d’or à la chaise, 6 mai 1349, 6ème émission, 4,44 g. 28,6 mm.
9 h. Vente et clichés iNumis – Remarquer les deux annelets accostant deux
trèfles dans les cantonnements du revers
Bibliographie :
JEZEQUEL (Yannick), Piéfort de la 6ème émission de l’écu à la chaise de Philippe
VI, Bulletin de la Société française de numismatique, 77/22, février 2022.
DUPLESSY (Jean), Les monnaies françaises royales, de Hugues Capet à Louis
XVI (987-1793), T. I, 2ème éd., Maison Platt, Paris, 1999.
2 M. Amandry, Dictionnaire de numismatique, p. 458, Ed. Larousse, 2001,
3 René Wack abonde dans le même sens dans l’addendum en fin d’article en signalant
que la mention REGINAT se retrouve sur les florins Georges de Philippe VI.